La prise en charge d’un dispositif médical par la collectivité est un enjeu essentiel pour les fabricants. En effet, en France, la grande majorité des dispositifs médicaux ne sont pas directement financés par leurs utilisateurs. Toutefois, l’obtention d’un droit à la prise en charge ne va pas de soi. Elle suppose de respecter des critères précis et de passer par une ou plusieurs procédures réglementaires.
En France, le marquage CE distinct du financement par la sécurité sociale
Suivant le parcours réglementaire d’un dispositif médical en Union Européenne (et donc en France), la première étape est celle du marquage CE. Octroyé avec l’accord d’un organisme notifié (dans le cadre d’un dispositif de classe II et plus), le marquage CE assure aux professionnels de santé comme à leurs patients la sécurité des dispositifs en commercialisation.
Des décisions de prise en charge toujours indépendantes des États membres
Cependant, en France comme dans le reste des États membres de l’Union Européenne, l’attribution d’un marquage CE ne signifie pas pour autant que le dispositif médical sera pris en charge par la sécurité sociale. Obtenir un droit à la prise en charge suppose le passage par une procédure distincte, dont la conclusion s’appuie sur d’autres critères que les seuls critères de sécurité observés dans le cadre d’une demande de marquage CE.
En outre, il faut savoir qu’à l’heure où cet article est écrit, les États membres de l’Union Européenne gardent le pouvoir de gérer la prise en charge de dispositifs médicaux à échelle nationale. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un dispositif médical est pris en charge en France qu’il le sera aussi en Allemagne ou en Pologne, et inversement.
Les principes à respecter pour une prise en charge d’un dispositif médical par la sécurité sociale en France
En France, l’administration observe deux critères pour décider de la prise en charge ou non d’un dispositif médical : le bénéfice clinique et la place dans une stratégie thérapeutique globale.
Bénéfice clinique
Il faut comprendre par « bénéfice clinique » que le dispositif médical dont on demande la prise en charge doit avoir fait preuve des bénéfices qu’il entend octroyer. À cette fin, les conclusions de l’investigation clinique ayant servi à la procédure de marquage CE, si elle a été bien conçue dès le départ, peuvent être ré-utilisées.
Place dans la stratégie thérapeutique globale
Mais le seul bénéfice clinique ne suffit pas en France à décider de la prise en charge d’un dispositif médical. L’administration observe également la place qu’un dispositif médical nouveau peut occuper dans les stratégies thérapeutiques à échelle du pays. Autrement dit, pour autant qu’un dispositif médical ait des bénéfices prouvés, s’il ne fait pas mieux qu’un concurrent déjà remboursé, il est peu probable qu’il se voit octroyer un remboursement spécifique. Il pourra cependant avoir un remboursement au même prix ou entrée dans le droit commun si celui-ci existe pour la solution. Le droit commun permet à toutes les solutions qui font la même chose d’être prises en charge.
À noter : l’obtention d’un droit à la prise en charge n’est jamais définitive. Le fabricant doit toujours continuer à prouver l’intérêt de son dispositif eu égard à ses alternatives thérapeutiques.
Les diverses formes de prises en charge d’un dispositif médical en France, suivant sa situation
En France, il existe plusieurs modalités de prise en charge, qui peuvent concerner différents types de dispositifs médicaux suivant leur nature et leurs conditions d’usage :
La prise en charge d’un dispositif médical par l’assurance maladie, après inscription sur LPPR
La liste des produits et prestations remboursables par l’Assurance maladie (LPPR) concerne tous les financements de dispositifs à usage individuel en ville. Les inscriptions à la LPPR se font toujours en lien avec la prestation nécessaire à son bon usage. Autrement dit, la prestation et le dispositif médical sont remboursés d’un seul bloc après inscription sur la LPPR. Aussi, celle-ci se divise actuellement en cinq titres :
- Titre I : DM pour traitements à domicile, aides à la vie, aliments et pansements ;
- Titre II : Orthèses et prothèses ;
- Titre III : Dispositifs médicaux implantables, implants et greffons tissulaires d’origine humaine ;
- Titre IV : Véhicules pour handicapés physiques ;
- Titre V : Dispositifs médicaux invasifs non éligibles au titre III de la LPPR.
Du point de vue du parcours réglementaire, c’est au fabricant (ou au distributeur) qu’il revient la charge de demander l’inscription à la LPPR pour obtenir un droit à la prise en charge. Si cette inscription est accordée, le fabricant (ou le distributeur) doit aussi ensuite déclarer les dispositifs à rembourser à l’ANSM, avec le code d’inscription à la LPPR qui correspond.
Par principe, l’inscription se fait sous forme de description générique. Si un dispositif entre dans le champ d’une description générique préexistante, un nouveau code individuel est simplement remis au fabricant pour qu’il obtienne sa prise en charge à ce titre. Toutefois, pour ce qui concerne un dispositif innovant, l’inscription à la LPPR peut se faire sous nom de marque, ce qui protège le fabricant de la concurrence pour une durée maximale de cinq ans.
La prise en charge d’un dispositif médical dans le cadre d’un acte professionnel
On parle « d’acte professionnel » pour désigner une intervention clinique ou technique effectuée par un professionnel de santé à des fins diagnostiques, préventives, thérapeutiques ou de rééducation. Or parfois, l’accomplissement d’un acte professionnel suppose le recours à un dispositif médical, dont l’action ne s’exercera pas au-delà de l’intervention. Ainsi, l’utilisation d’un dispositif médical dans un tel cadre peut également être prise en charge par la sécurité sociale.
La prise en charge d’un dispositif médical par groupes homogènes de séjour (GHS)
Ce type de prise en charge concerne la majorité des dispositifs médicaux utilisés en établissements de santé. Ici, le coût des dispositifs médicaux se trouve directement intégré aux prestations d’hospitalisation, elles-mêmes financées dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A).
Avec ce type de prise en charge, la particularité réside dans le fait que ce sont les commissions médicales d’établissement (CME) qui, pour chaque établissement, décident en responsabilité de dresser leurs propres listes de dispositifs à utiliser. C’est du moins le cas pour la plupart des dispositifs médicaux, car il y a des exceptions !
En effet, depuis 2011, il existe une liste positive mise en place par le ministère de la Santé pour certaines catégories de dispositifs médicaux. Pour tout dispositif relevant d’une catégorie de cette liste, le fabricant qui veut obtenir droit à la prise en charge doit d’abord obtenir une inscription auprès de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). Or, cette dernière prend ses décisions sur la base de ses propres critères, qui regardent le bénéfice clinique et l’utilité de chaque dispositif par rapport à ses alternatives.
Les valves cardiaques chirurgicales, les stents intracrâniens ou encore la plupart des défibrillateurs cardiaques implantables sont par exemple concernés par la mise sur liste intra-GHS.
Source : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-12/guide_pratique_dm.pdf (page 15)
Les procédures de prise en charge spécifiques aux dispositifs médicaux innovants
Enfin, des procédures spécifiques aux dispositifs les plus innovants existent. Leur but premier est de permettre aux français l’accès précoce aux dernières technologies de santé.
Le forfait innovation
D’abord, il y a le forfait innovation. Ce forfait permet une prise en charge transitoire dans le cas où un fabricant peut avancer des preuves cliniques d’un bénéfice potentiellement majeur en matière de santé publique, mais sans que ses conclusions soient encore tout à fait certaines. Pour l’administration, l’utilité secondaire est ici de favoriser le financement de la recherche la plus prometteuse. Pour obtenir une prise en charge grâce au forfait innovation, il faut déposer un dossier de demande qui est ensuite examiné conjointement par l’HAS et le ministère de la Santé.
La prise en charge transitoire en vertu des dispositions de l’article L165-1-5 du Code de la Sécurité Sociale (CSS)
Cette prise en charge transitoire concerne seulement les dispositifs relevant du champ de la LPPR, qui doivent prétendre à l’octroi d’un bénéfice dans la lutte contre une maladie grave ou la compensation d’un handicap. Sa durée est de 12 mois, et c’est le ministère de la Santé, après consultation d’un avis de la CNEDiMTS, qui décide ou non de son accord.
Le processus PÉCAN
Enfin, le décret PÉCAN, voté le 30 mars 2023 dans le cadre du plan France 2030, concerne la prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique et des activités de télésurveillance médicale. Le dispositif dérogatoire de remboursement qu’il introduit (le processus PÉCAN) vise à accélérer le remboursement de dispositifs médicaux numériques innovants pour une durée d’un an avant leur intégration dans le droit commun.
Cela doit faciliter l’accès au marché pour les jeunes entreprises de santé numérique, permettant le déploiement de leurs dispositifs tout en finalisant les démarches de remboursement. Comme avec le forfait innovation et l’usage de l’article L165-1-5, le processus Pécan permet d’accéder à la prise en charge de son dispositif avant d’avoir de démontrer ses bénéfices cliniques, médico-économiques et/ou organisationnels.
En France, l’obtention d’une prise en charge de son dispositif médical par la collectivité est un facteur souvent critique de réussite d’un projet. Pour vous renseigner plus précisément sur l’éligibilité de votre propre dispositif, ou pour maximiser les chances de sa prise en charge après marquage CE, nous vous invitons à contacter notre équipe.